La Provence – Publié le mercredi 16 janvier 2013 à 15H53 par Sophie Manelli
Expérimentée à l’hôpital Nord de Marseille, une machine permet de maintenir en vie des poumons prélevés. Les organes, qui respirent encore plusieurs heures après le décès du donneur, sont ensuite réimplantés
Avec 48 greffes réalisées en 2012, le service de chirurgie cardiaque
de l’hôpital Nord se classe 1ère équipe de CHU de France.
Enfermé sous une cloche en verre, branché à des tubes en plastique, un poumon se gonfle et se dégonfle : il respire… en dehors du corps humain. Cette scène hallucinante qui semble sortie d’un film science-fiction est bien réelle. À l’hôpital Nord de Marseille, les chirurgiens qui expérimentent cette toute nouvelle technique de transplantation dite ex-vivo ne sont pas des docteurs Frankenstein. Mais la première équipe en France pour la greffe du poumon : 48 transplantations en 2012, plus de 300 depuis 1995 à l’actif du service de chirurgie thoracique du CHU marseillais.
Forte de ce savoir-faire, l’équipe du Pr Pascal Thomas a donc été choisie pour participer à un protocole international pour expérimenter l’Organe Care System (OCS) : une machine qui permet de maintenir en vie des organes prélevés chez une personne décédée. Ventilés et perfusés, maintenus en milieu stérile, les poumons continuent à… respirer, avant leur réimplantation chez un receveur. L’intérêt est double : « Tout d’abord, cela permet de tester l’état des organes en laissant passer l’orage neurovégétatif lié à la mort cérébrale. Environ un tiers des poumons prélevés sont potentiellement excellents, mais après le décès, ils présentent temporairement une mauvaise fonction qui rend la greffe impossible. En les faisant fonctionner ex-vivo, on les laisse récupérer », explique le Pr Pascal Thomas.
L’augmentation du nombre de greffons utilisables pour une activité de transplantation qui manque toujours de donneurs est un enjeu majeur. Mais il n’est pas le seul. Car lorsqu’il est ventilé, perfusé avec des nutriments et des antibiotiques, bref, quasiment traité comme un malade à part entière, le poumon peut vivre jusqu’à 10 ou 12 heures avant d’être transplanté dans un nouveau corps. « Le temps de conservation est doublé par rapport à la technique habituelle de conservation, dans la glace, après avoir gelé l’activité métabolique de l’organe », souligne le Pr Thomas.
Une organisation et une logistique facilitées
Or, si les chirurgiens disposent de deux fois plus de temps pour réaliser une greffe, l’organisation et la logistique s’en trouvent grandement facilitées. « Aujourd’hui, lorsqu’une transplantation est réalisée, c’est une course contre la montre. Cela se fait toujours en urgence, souvent en pleine nuit. L’équipe qui va greffer doit rejoindre celle qui fait le prélèvement, quel que soit l’endroit en France ou en Europe », résume le chirurgien.Si la technique ex-vivo est validée, « on passerait de l’urgence absolue à des interventions semi-programmées, ce qui permettrait des économies d’échelle énormes et nécessiterait une concentration des moyens. À terme, c’est un profond bouleversement de la culture hospitalière qui se dessine », prédit le Pr Thomas. Sans oublier que le coût d’une transplantation pulmonaire (environ 50 000€ actuellement, le double en cas de complications) serait considérablement réduit.
Mais avant d’en arriver là, il faut finaliser l’étude internationale menée conjointement dans plusieurs CHU, en France (à Marseille, Paris et Strasbourg) et aux États-Unis. Une expérimentation qui coûte cher : 180 000€ la machine, 40 000€ le système de ventilation et de perfusion mis en place pour chaque malade. Un équipement que l’AP-HM n’aurait pu acquérir sans la mobilisation de l’association Maryse!pourlavie, qui a su convaincre le Conseil général des Bouches-du-Rhône (financeurs à 80 %) et des donateurs privés. Heureuse inspiration…